fbpx

In Gratitude – Only In Youth

Symbole d’une époque révolue, le quatuor du Somerset aurait pu prétendre à une place de choix dans les charts grâce à un sens aiguisé de la pop. Était-il seulement appelé à durer ?

Dans ses Lettres à Lucilius, Sénèque écrit à son correspondant que “la prospérité est un état qui ne connaît pas le repos”. Voilà donc un sacré manque de bol qu’environ deux mille ans plus tard, un tout jeune groupe anglais ne vienne contredire une phrase porteuse d’autant d’optimisme, avant de tomber rapidement aux oubliettes. Car c’est bien sous le prisme du lointain souvenir – et de sa consœur la nostalgie – que l’on peut évoquer avec tendresse In Gratitude, tant il y a à la fois peu et tellement de choses à dire sur ce quatuor qui, tout comme Wolf Am I dont nous vous avions déjà conté l’histoire, n’a lui non plus pas survécu à la chute de la scène britannique des années MySpace. Une si belle épopée leur tendait pourtant les bras.

D’abord, peu de choses à mentionner car peu de sources et d’éléments à traiter. Nous sommes ici face à une formation qui, par ses origines, aurait pu devenir un porte-étendard de choix d’une scène invisibilisée par son illustre et populaire festival depuis plus de cinquante ans. Et aussi parce que le seul héritage que laisse la bande menée par Matthew Guttridge se résume à un EP, petit par la taille, grand par la qualité. Et donc beaucoup à dire il y a aussi, tant les mélodies cristallines qui parcourent ce disque nous sont restées et ont enrichi notre vision de la pop, tel un trésor dont on n’espère qu’une seule chose : qu’il reste entre nos mains.

Du crescendo grandiloquent de Prosperity, qui ouvre le disque avec confiance (peut-être trop?) aux jolies harmonies vocales de Always en passant par le tonitruant single Moving On et sa nappe chevaleresque très bloc partienne en fin de morceau, on pourrait s’arrêter ici en se disant qu’In Gratitude n’est qu’un réplica de ses contemporains trop forts pour lui et qui ont déjà pris la lumière. Il y a pourtant dans ce single ou dans les mélodies salvatrices de In All Dishonesty une force ineffable, de celles qui dopent le corps et l’esprit pour mieux avancer. Comme un signe porteur d’espoir. Leurs productions léchées font cohabiter le meilleur de la folk et du rock de l’époque avec élégance, symbole d’un sens aiguisé de la pop cool mais qui ne tombe pas pour autant sur l’écueil de la facilité commerciale. Et puis il y a ce timbre vocal tendre mais égratigné dans le gosier, qui nous laisse penser que Chris Martin aurait pu ne pas être le seul à posséder l’une des plus belles voix d’Angleterre.

Seulement voilà, les hymnes pop de 2010 lorgnent alors du côté de la dance music (Two Door Cinema Club), certaines figures confirment leur mainmise sur le mélange des genres susmentionnés (Arcade Fire) tandis que d’autres s’imposent comme futurs grands en poursuivant la maturation d’un son reconnaissable aujourd’hui entre mille (Foals et son lumineux Total Life Forever). Puis vient la remise en question et les revirements artistiques. In Gratitude mute alors en Dive In comme un enfant qui passe à l’âge adulte, laissant de côté les guitares dantesques pour une synth-pop sage plus ancrée dans son temps, sans que le succès ne porte pour autant les gars de Glastonbury vers une réussite auprès du grand public. Paradoxe fatal, le titre Only In Youth prend alors tout son sens, comme si les prémices d’une belle carrière se retrouvaient de facto emprisonnées dans la jeunesse et l’insouciance.

Mais en remerciement, le disque est aujourd’hui disponible gratuitement en téléchargement sur la page Bandcamp de leur label Pacific Ridge Records. Alors certes, point de prospérité pour eux au programme, sauf dans le monde des trésors oubliés, connu seulement des plus curieux.euses qui pourront se le partager.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

%d blogueurs aiment cette page :