fbpx

Junichi Masuda (Pokémon) : composez-les tous !

De la fanfare au jazz en passant par la musique classique et le néo-métal, le compositeur Junichi Masuda impose sa patte musicale (et bien plus encore) sur la franchise la plus rentable de tous les temps depuis plus de vingt ans. Un compositeur sauvage apparaît ! Pokéball, go !

Curiosité et soif d’aventures

Entre forêts verdoyantes et sessions de pêche sur le bord de la plage, le jeune Junichi Masuda passe régulièrement ses vacances à Kyūshū, île la plus au sud du Japon. Mais plus que gambader dans la nature, son grand amour de jeunesse reste la musique, comme le souligne Video Game Story Time. D’abord tromboniste dans la fanfare de l’école puis membre de plusieurs groupes de rock avec ses acolytes, il découvre finalement Stravinsky. Un choc digne d’une attaque Éclair qui le pousse à entamer une collection des grands compositeurs, de leurs œuvres comme de leurs biographies. Un bagage classique qu’il complète plus tard avec la découverte du néo-métal et de l’électronique (Slipknot, Linkin Park ou The Prodigy, entre autres). Doutant de son potentiel pour percer dans le milieu du Quatrième Art, il se tourne alors vers des études de graphismes et de programmation à la Japan Electronics College de Shinjuku, au cœur de Tokyo. Et comme un signe, ce ne sont pas ses talents de manieur de lignes de codes qui attirent l’attention du studio Game Freak, mais plutôt ses compétences musicales… L’aventure commence.

Composez-les tous (ou presque)

Ce jeune talent aux multiples casquettes commence sa carrière en signant les bandes originales de quelques jeux qui ont fait un peu parler d’eux : Mendel Palace (Nes, 1989) ou encore Yoshi’s Egg (Nes et Gameboy, 1991). Le succès est au rendez-vous, les caisses de la boîte se voient renflouées. Le patron du studio Satoshi Tajiri peut enfin réaliser son rêve hyper ambitieux, qu’il sort finalement du chapeau : Pokémon. Le process de création s’avère difficile pour Junichi Masuda qui rencontre plusieurs obstacles. Après avoir cramé quelques ordis (trois sur quatre précisément, NDLR) il livre son rendu final. Le jeu sort en 1996 au Japon (deux ans plus tard en Occident) et provoque le raz-de-marée dans la pop culture que l’on connaît.

Pendant deux décennies, Masuda déploie sa vision musicale et perfectionne les ambiances sonores de la licence qui évoluent en même temps que la technologie des consoles. Plus le temps passe, plus les compositions s’avèrent complètes et léchées. Même si les dernières paraissent plus faciles d’accès et écoutables que les notes de synthés primaires des premiers jeux (on pense notamment aux titres sortis sur Gameboy, limités par les caractéristiques de la machine, NDLR), le mélodiste confie lui-même à Pokémon Trash que son morceau favori figure sur des épisodes déjà « vieux » : Diamant et Perle (Nintendo DS, 2007) – dont la BO est considérée par de nombreux.euses fans comme l’une des plus abouties :

Je pense que ça serait Cynthia. […] C’est vraiment une musique, même quand je l’entends aujourd’hui, je me dis que je me suis pas mal débrouillé ! (rires)

 

Wipeout : une histoire de la musique électronique

Garder son esprit d’enfant

Difficile de faire ressortir le succès d’une bande originale sans parler de l’œuvre qu’elle accompagne, d’autant plus un jeu vidéo dans lequel les mécaniques d’interaction et l’histoire priment. Junichi Masuda fait pourtant ici figure d’exception. À la baguette en tant que compositeur, producteur et réalisateur, chaque opus de Pokémon porte les marques de sa personnalité dont certains traits ressortent : la curiosité et l’esprit aventurier d’un jeune bambin. Des mélodies enfantines et entraînantes des premiers jeux (Palette Town, Route 1, New Bark Town,) au groove acrobatique des basses (sur Cross The Sea pour Rubis/Saphir, puis la BO de Diamant/Perle, riche en influences jazz comme le rapporte GameGrooves), on fonce même vers des territoires insoupçonnés. Comme il l’explique dans les colonnes de Time Magazine :

[Pour les versions Soleil et Lune] nous nous sommes spécifiquement inspirés d’Hawaï, mais nous voulions faire plus que simplement copier le genre de musique qu’on entendait là-bas. La région d’Alola dans Pokémon Soleil et Lune est définitivement [unique], mais [est] aussi évidemment inspirée par Hawaï]. Ainsi, nous voulions utiliser les rythmes de base que vous trouveriez dans beaucoup de musiques traditionnelles hawaïennes. Mais pour rendre [tout ça] singulier, nous avons opté pour des mélodies complètement différentes en plus de celles [qui nous ont inspiré]. En général, je pense que vous constaterez que cela évoque les sentiments d’un environnement insulaire tropical, donc beaucoup de tons très chauds.

Toujours plus d’aventure

De son enfance estivale à Kyūshū les pieds dans le sable aux combats épiques d’un dresseur de pokémon accompli, Junichi Masuda raconte en musique depuis plus de vingt ans un monde féérique pour toutes celles et ceux qui rêvent d’un voyage exaltant. Entouré depuis quelques temps par d’autres compositeurs.trices au talent certain (Hitomi Sato, Morikazu Aoki, Go Ichinose ou encore Hiromitsu Maeba), il laisse finalement la partition à ces dernier.e.s pour Pokémon Épée et Bouclier (Nintendo Switch, 2019) et le très attendu Légendes Pokémon : Arceus (Nintendo Switch, à paraître le 28 janvier 2022).

Programmeur, sound designer, compositeur : tout au long de sa carrière, Junichi Masuda aura imposé sa patte sur la licence de Nintendo à tous les étages. Suffisamment pour qu’on y décèle une certaine autobiographie sonore, celle d’un gosse impatient d’emprunter les routes escarpées menant au titre de Maître Pokémon. Le Pokédex rempli, reste à l’artiste de choisir sa prochaine voie. Et nous, de nous accorder un moment nostalgie.

%d blogueurs aiment cette page :