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Merge Records, 30 ans de succès

L'emblématique label indépendant de Caroline du Nord souffle ses trente bougies. Magnéto.

« Je ne pensais pas que nous le ferions aussi longtemps. »

Nous sommes en 1989. Les Pixies poursuivent leur ascension en s’ouvrant à l’international avec Doolittle, Soundgarden devient le premier groupe grunge à signer en major et un jeune trio encore inconnu du grand public nommé Nirvana sort son premier album Bleach, annonciateur d’un futur radieux. La même année, une autre formation qui inscrira son nom au panthéon de l’indie-rock naît à Chapell Hill en Caroline du Nord : Superchunk.

Superchunk – « The First Part » – Foolish – 1994

C’est durant un voyage à la campagne que Laura Ballance et Mac MacCaughan – fondateur.trices du groupe – évoquent l’idée de lancer leur propre label. Mais il faut attendre une visite de courtoisie chez Sub Pop Records (label iconique de Nirvana, basé à Seattle, NDLR), pour que les deux trublions, à peine âgés de 20 ans, décident de véritablement se lancer. Ballance, qui s’est récemment entretenue avec le magazine Forbes, se souvient : “C’est incroyable ce que Sub Pop est en train de faire. (…) Nous venons d’un endroit où trop de groupes vont et viennent. Ce ne serait pas cool de simplement produire des 45 tours pour documenter ce qui se passe dans notre petite scène ? Je ne pensais pas que nous le ferions aussi longtemps”.

C’est fantastique ce que fait Sub Pop.

Merge Records prend vie. Mais au début, la recherche d’un son propre à l’humble maison de disque ne semble pas la priorité de ses fondateurs, qui privilégient une démarche à la fois simple, logique et spontanée en se nourrissant de la scène locale. Toujours pour Forbes, Mac MacCaughan : “Nous ne nous disions pas “Nous cherchons des groupes de ce genre”. Nous pensions plutôt “ce sont les groupes que nous connaissons et nos amis (jouent) dedans”. Nous nous façonnions à partir de ce qui se trouvait autour de nous”.

Des 45 tours au Billboard 200, époque dorée

Le temps passe et Superchunk gagne en popularité. À cette époque, le groupe de Ballance et MacCaughan est signé chez une autre enseigne de qualité au destin quasiment similaire : Matador Records, débuté en même temps que Merge dans un appartement new-yorkais. Fort d’un succès honorable et à l’aide du bouche à oreille, le quatuor devient la vitrine de sa propre maison de disques, qui parvient à produire les oeuvres qui l’intéressent. Mais il faut attendre la fin du contrat avec Matador pour que le premier véritable album de l’écurie sorte : une collection de single de Superchunk (Tossing Seeds, 1991, NDLR). Merge bénéficie de l’aide de Touch & Go, autre label indépendant, pour distribuer ses productions. Selon Mac Caughan, “c’était un autre pas en avant pour devenir un “vrai label”, capable de sortir légitimement de vrais albums”.

Arcade Fire – « Rebellion (Lies) » – Funeral – 2004

Le succès sera au rendez-vous. Alors que l’ouragan Nirvana balaye la terre entière, il faut attendre la fin des années 90 pour que Merge Records commence à se faire un nom, à l’aide de signatures qui marqueront durablement le rock indépendant. Neutral Milk Hotel, les Magnetic Fields, Rocket From The Crypt, Buzzcocks, Spoon… Tous contribuent à l’ascension du label, qui connaît son premier grand coup d’éclat en 2004 en pénétrant pour la première fois le Billboard 200 (charts américain de musique populaire, NDLR). Le coupable d’un tel fait d’arme : Funeral, l’immense premier disque d’Arcade Fire.

Penser « local »

Si Merge Records parvient à survivre au raz-de-marée engendré par Internet, c’est bien grâce à son identité très forte, fondé sur un amour pour ses terres natales et pour une activité à taille humaine. Bien que Laura Ballance et Mac MacCaughan gèrent le label tout en assurant la carrière de Superchunk, Merge Records n’emploie personne avant 1994. Aujourd’hui, le label compte seize collaborateurs actifs depuis les locaux toujours situés en Caroline du Nord.

Ce qui permet une consolidation de son empreinte “locale” et une réduction des coûts. Ballance certifie que ne pas avoir intégré le label aux grands pôles de l’industrie musicale (New York, Los Angeles) leur permet d’être qui ils sont : “Nous aurions été soumis à beaucoup plus de pression très tôt et nous n’aurions pas eu la chance de nous développer de manière organique. Vivre ici a toujours été relativement peu coûteux. Il est donc plus facile de jouer dans un groupe et de payer son loyer. Tout est juste un peu plus facile.”

Waxahatchee – « Chapel Of Pines » – Great Thunder EP – 2018

Born Under A Good Sign

La formule magique d’une telle success story selon la co-fondatrice ? “La chance, combinée à la prudence et à la petite taille (de la structure)” ce qui octroie une certaine agilité pour s’adapter aux changements. Un détail crucial à l’heure de la révolution numérique. 

Merge Records a officialisé en février dernier l’organisation d’une gigantesque fête d’anniversaire qui s’est tenue du 24 au 27 juillet 2019 à Carrboro et Durham en Caroline du Nord. Pour souffler ses trentes bougies, le label a réuni ses têtes historiques comme les plus jeunes pouces, de Superchunk à The Mountain Goats en passant par Wye Oak, Lambchop, Titus Andronicus ou encore Waxahatchee. Mais la bringue ne pouvait pas s’arrêter là. La maison de disques a aussi pensé à ses fans en annonçant la sortie prochaine de Born Under A Good Sign, une série de quatre albums complets remplis de nouveautés en édition limitée (déjà écoulée, vous vous en doutez). Certains bénéfices seront reversés à une organisation à but non-lucratif qui vient en aide aux enfants, aux familles et aux réfugiés au Texas.

Quand le bon signe se transforme en bonne étoile.

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